Il y a urgence : 7 ans après avoir ratifié le statut de la CPI en 2000 et 5 ans après l’adoption de la loi de coopération avec la Cour en 2002, la France ne permet toujours pas à ses propres tribunaux de participer à la lutte mondiale contre l’impunité, comme elle s’y était engagée. En effet, la CPI n’a pas vocation à se substituer aux tribunaux nationaux. L’obligation de poursuivre les génocides, crimes contre l’humanité et crimes de guerre incombe d’abord aux juridictions nationales. La Cour n’intervenant qu’en cas de défaillance de leur part ou de leur Etat. L’introduction de ces crimes dans notre droit interne est donc une nécessité urgente.
La loi française d’adaptation du Statut de la CPI devra garantir que la France est à même de juger les auteurs présumés de crimes contre l’humanité, crimes de génocide et crimes de guerre et permettre à la France de ne pas se voir dessaisie au profit de la Cour.
1- définisse les crimes de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre conformément au Statut de la Cour ; 2- reconnaisse l’imprescriptibilité de ces crimes et l’inapplicabilité de toute immunité tenant à la qualité officielle des auteurs de ces crimes ; 3- institue une compétence territoriale élargie au profit des juridictions françaises dès lors que l’auteur présumé se trouve sur le territoire.
Pour donner tout son effet à l’engagement international de la France et faciliter la coopération internationale avec la CPI comme avec les États tiers, il est indispensable que soient introduits en droit français les termes mêmes retenus par le Statut de Rome, sauf à conserver les éléments du Code pénal qui viennent utilement compléter la définition internationale. S’agissant de tels crimes, la CFCPI estime qu’une définition internationalement harmonisée s’impose.
La définition du génocide donnée par l’article 211-1 du Code pénal français est plus protectrice que le Statut en ce qu’elle réprime les actes visant un « groupe déterminé à partir de tout autre critère arbitraire ». Par contre elle exige la preuve d’un « plan concerté » que ne retient pas le Statut. Cette exigence, plus restrictive, doit être supprimée.
Le projet de loi prévoit d’incriminer l’incitation directe et publique au génocide, comme le prévoit le Statut de Rome, mais en contradiction avec ce Statut et avec la jurisprudence internationale il correctionnalise ce crime lorsqu’il n’est pas suivi d’effets. Le législateur français ne saurait transformer en simple délit ce que la communauté internationale considère comme un crime grave.
Le projet de loi reprend ici encore l’existence préalable d’un « plan concerté » comme élément constitutif de ce crime. La référence à ce « plan concerté » doit être retirée. De plus, la définition du crime contre l’humanité du code pénal français n’inclut pas l’« esclavage sexuel », oubli qui doit être réparé. Enfin, la définition française remplace le terme d’« apartheid » par le crime de « ségrégation », alors que ces deux termes ne sont pas synonymes. En effet, le « crime d’apartheid », englobe plus largement « les politiques et pratiques semblables de ségrégation et de discrimination raciales ».
Le droit français ne comporte à ce jour aucune disposition relative aux crimes de guerre. Pourtant, les conventions de Genève de 1949 et leurs protocoles additionnels, qui organisent la répression des crimes de guerre, ont tous été ratifiés par la France. Mais elle ne les a jamais intégrés dans son ordre juridique interne.
L’incrimination des crimes de guerre en droit français est donc fondamentale, nécessaire et urgente.
Le projet de loi présente certaines lacunes par rapport au Statut de Rome :
Le projet de loi prévoit une prescription de l’action publique et de la peine de 30 ans pour les crimes et de 20 ans pour les délits de guerre. Le Statut de Rome pose pourtant le principe d’imprescriptibilité de l’ensemble des crimes internationaux, sans que les crimes de guerre bénéficient d’une exception à ce principe. Si la France ne reprenait pas la norme d’imprescriptibilité, elle perdrait, à l’expiration du délai de prescription, la possibilité de juger les criminels de guerre présents sur son territoire ainsi que ses propres ressortissants. Les crimes de guerre ne sont pas des crimes comme les autres, la France doit donc reconnaître leur spécificité et prévoir leur imprescriptibilité.
Le Statut de la Cour indique clairement qu’il s’applique à « tous de manière égale, sans aucune distinction fondée sur la qualité officielle », notamment de chef d’Etat ou de gouvernement. Le projet de loi quant à lui ne comporte pas de dispositions relatives au défaut de pertinence de la qualité officielle en matière de mise en oeuvre de la responsabilité pénale. Ce vide doit être comblé.
L’harmonisation du droit interne avec le Statut de la CPI doit porter non seulement sur les définitions des crimes mais aussi sur les principes généraux de droit pénal afin que les auteurs de ces crimes soient poursuivis devant les tribunaux français exactement dans les mêmes conditions que devant la Cour pénale internationale.
Le projet de loi ne comporte aucune disposition relative à la compétence territoriale du juge français. Bien que la compétence universelle ne soit pas expressément énoncée dans le corps du Statut de Rome, elle résulte de son esprit.
La CFCPI demande que, comme dans de nombreux autres pays, la loi française d’adaptation prévoie la compétence des juridictions françaises pour juger les génocides, crimes contre l’humanité et crimes de guerre, dès lors que leurs auteurs présumés se trouvent en France, conformément à ce qui existe déjà en matière de torture ou de terrorisme.
La France ne doit pas devenir une terre d’asile pour les auteurs des crimes les plus graves.
date de publication : 6 juillet 2007
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